Le silence se fait sur les vieux canapés en cuirs. L’écran s’allonge légèrement et la bobine aux 35mm entame son tour d’honneur. Devant nous, les images crépitent, tressautent légèrement, et nous portent instantanément dans un passé récent. C’est si laid ! Et ça l’est, Roubaix en grand, avec ses immeubles usés et ses rues vieillisantes. Laide aussi cette famille tordue. Odieuse, cynique, tourmentée et puis tout à la fois romanesque, compatissante, poétique: c’est un conte de Noël acidulé qui ressucite mon pays d’enfance.
Là, Je me tiens entre le jour et la nuit, entre le matin et le soir, entre une journée isolée et un diner bruyant. Elles m’envoient en flux discontinu l’église aux bancs inconfortables, l’éternel repas que personne n’aime plus depuis longtemps, les verres scintillants de bulles et les beaux vêtements. Maintenant, voilà ma pensée coincée en plein milieu de l’océan.
C’est finalement lui qui franchit la distance, m’emporte un peu vers lui et se porte un peu vers moi. Je l’imagine assis de sa manière un peu bancale, les jambes croisées et un livre à la main au milieu de toutes ses petites lumières qui illuminent toujours la nuit notre salon pourpre. Il me l’écrit à toute vitesse mais il aurait tout aussi bien pu l’énoncer, levant son nez un instant de ses pages :
La nuit sera douce et belle. C’est Noël. Même pour les solitaires.